Space Factories


Autoportrait de philippe calandre à la TEC / 2021


Déconstruction de la photographie d’architecture vers la dissolution du sujet

 

 Les images de Philippe Calandre nous plongent dans des espaces entre réalité et fiction où l’architecture révèle une certaine puissance. L’artiste puise dans le répertoire de ses propres photographies de paysages industriels, pour composer des utopies qui tendent souvent vers de possibles dystopies. Ses séries de photographies composent des récits de science-fiction, nourries de références cinématographiques et littéraires. Le médium photographique est pour lui un outil pour une première étape de travail plastique. Il cherche à s’émanciper peu à peu du cadre et du sujet en combinant des fragments d’images.

 Si Bernd et Hilla Becher s’attachaient à prendre en photographie de manière frontale des constructions qui témoignaient d’une certaine idéologie de production et de travail, l’artiste s’approprie ces bâtiments monumentaux afin de les réduire à l’état d’usine objet. Il s’intéresse essentiellement aux architectures fonctionnelles dont la forme est relative à la transformation de la matière. Ces fabriques et manufactures deviennent autant de labyrinthes que d’espaces quelque peu inquiétants, où l’humain selon ses humeurs ne peut qu’espérer s’en extraire ou s’y perdre.

  Les images de sa série Fictions factories ne sont pas si éloignées des gravures de prison de Piranèse, qui provoquent chez le spectateur un étrange sentiment d’oppression en coulisse. Elles nous incitent à réfléchir sur la condition humaine face à ces bâtisses encore habitées par les spectres de ses ouvriers qui les ont jadis animées, et ne vont pas sans nous rappeler le célèbre roman post apocalyptique « the Road » de Cormac Mc Carty 2006. 

 

Fiction Factories n°6/ philippe calandre 2012


. Dans sa série "Metalocus", les bâtiments industriels se métamorphosent en un entrelacs de volumes, de façades, de passages savamment imbriqués, au service d’une vaine production à grande échelle. L’architecture apparaît alors comme un prétexte revêtant l’allure d’une machine à fabriquer du vide, souvent isolée dans un paysage aride, où se révèlent les stigmates d’un laborieux passé oublié. Ces sites recomposés par fragments d’images semblent surgir d’un épais brouillard de poussières aux tonalités et au souvenir gris ciment.


Meta locus n°1 400x120 / philippe calandre 2015


Dans In Perceptivo, des bâtiments indéfinissables de tailles monumentales semblent être perdus dans des paysages lunaires.

Dans cette série ces constructions prennent une dimension interstellaire, elles apparaissent ici en l’état d’hybridation permanente donnant parfois l’illusion de potentielles sculptures en devenir, abandonnées à la surface d’un territoire hostile, autant de monolithes, ou formes modulaires, qui s’entrechoquent et cohabitent dans un profond silence ….


Kepler n° 2 / philippe calandre 2016


Dans un autre registre l’artiste s’intéresse aussi aux grandes Mégapoles, il aime malmener les règles du jeu, les villes orgueilleuses comme Singapour, Venise, Bruxelles deviennent cénotaphes ou vestiges d’une ère révolue. Il porte son regard sur l’incohérence de l’urbanisme et sur les diverses strates historiques des bâtis qui le composent, nous invitant à faire un rapprochement direct entre architecture et les différents pouvoirs successifs qui les ont érigées. « Je ne vois que la surface spectaculaire des ouvrages » précise-t-il. Les façades apparaissent comme des décors de scènes de théâtre où l’homme aurait déserté les rues pour fuir à l’extérieur respirer l’air pur, loin des tumultes.

L’humain a-t-il encore sa place dans les mégalopoles ? Quel vide ou quel espace de respiration reste-t-il dans nos villes ? pourquoi sont-elles devenues invivables, des zones de remplissage et d’accumulations ?

 

Sun Tec City 10 / philippe calandre 2019

En accentuant les caractéristiques urbanistiques des villes qu’il arpente, l’artiste nous ouvre les voies vers la nécessité d’aménager autrement et de rendre possible la présence des êtres vivants, humains et non humains, Telles sont les questions et les enjeux soulevés dans le travail de Philippe Calandre.

Ses images dressent  un état des lieux de l’influence de l’architecture sur nos façons de subir l’urbanisation galopante. Autant de questions qui restent sans réponses. Elles renvoient aux tentatives des villes nouvelles, ou construites de toute part telles que Brasília, dont les bâtiments de Niemeyer incarnent une ambition certaine du pouvoir de l’époque pour nous faire oublier l’existence d’autant de Favelas.

 

  En résidence au centre d’art la Théorie des Espaces Courbes (TEC) de Voiron dans l'Isère,


TEC In The Sky / philippe calandre 2021


il restitue une nouvelle série d’images d’usines improductives, à partir d’autres qu’il a photographiées, telles qu’une cimenterie et une papeterie abandonnées.


Chaos / philippe calandre 2021




Forge / philippe calandre 2021




Unfinished Building / philippe calandre 2021




Drinking Water Plant / philippe calandre 2021




no title / philippe calandre 2021





Desaster / philippe calandre 2021




Persepolis / philippe calandre 2021


 Durant cette résidence, il s’est concentré principalement sur ces deux bâtiments qu’il a peu à peu déconstruit en répétant un motif, un module de fenêtre, qui démultiplié, l’amène à des compositions où se révèlent une explosion des possibles, un cataclysme de géométries. Philippe Calandre, en se soumettant à cette contrainte d’une réduction d’images sources, découvre une infinité de combinaisons possibles. Par ce jeu de construction, au fur et à mesure ses images prennent des distances avec les représentations formelles des fausses images du réel auxquelles il nous a habitué, et tendent vers l’abstraction. Celles-ci présentent des effets optiques, entre enfermement et ouverture, vers un ailleurs lointain. L’artiste crée des assemblages de volumes. Naissent alors des vues en plongée, des percées qui rendent l’architecture d’autant plus frontale et longiligne. Il déforme les perspectives et les points de fuite, renverse la lecture et nous invite à lever les yeux vers le ciel. Ses déconstructions créent des paysages où tout est encore possible ou presque.




Dream Trap/ Philippe calandre 2021


Five/ Philippe Calandre 2021

Metropixelis / philippe calandre 2021


 Ses combinaisons de tracés découpés qui font écho à des immeubles et la percée vers un ciel bleu ponctué de nuages, créent autant de portes indiquant la sortie. Des ombres et lumières traversent les grattes ciels et les multiples amalgames gratifient les volumes. Les formes proliférantes créent des pertes de repères et des chavirements d’équilibre, nous éloignant du sujet architectural originel. En privilégiant une diversité de formats de ses images, Philippe Calandre nous incite à regarder autrement les espaces urbains et s’accorde avec les lignes spatiales du lieu d’exposition.


Springboard1 / philippe calandre2021


  
Arc / philippe calandre 2021


 
Angular / philippe calandre 2021

 

L’artiste déconstruit le bâti pour le libérer de ses contraintes terrestres, le regard peut voyager au delà du cadre  où le hors-champ nous invite insidieusement vers une nouvelle ère.


Springboard / philippe calandre 2021


  
Roof / philippe calandre 2021


 
The Fall / philippe calandre 2021



Springboard2 / philippe calandre2021



Aircooling1 / philippe calandre 2021



Aircooling2 / philippe calandre 2021



la Defense2075 / philippe calandre 2021



Connexion / philippe calandre 2021



Archiglasses / philippe calandre 2021



Pixels city / philippe calandre 2021



Angular2 / philippe calandre 2021



Pixels city1 / philippe calandre 2021


Ses œuvres proposent tantôt des vues plongeantes sur les toits imbriqués d’une ville entre jour et nuit, tantôt les buildings servent de rampe de décollage d’où les spectateurs sont propulsés vers de célestes destinations. Elles manifestent toute l’ambiguïté des grattes ciel entre attraction et répulsion et mettent en évidence nos désirs de prendre de la hauteur. Cette résidence à la TEC lui a permis de se détacher d’autant plus du sujet pour construire des images qui rejoignent l’esthétique de l’art abstrait et de l’op art. Il passe de la photographie à un travail d’assemblage, d’articulations, de fragments d’images afin de réaliser des œuvres ouvertes vers d’autres perceptions, celle du vide et d’une plongée vertigineuse vers l’immensité d’une ville.

 

Pauline Lisowski


 

Vue de l'exposition Space Factories à la TEC /2021



Philippe Calandre / Photographe Auteur

_ Sélection d’expositions personnelles

2021 SPACE FACTORIES - La TEC - La Théorie des Espaces Courbes - Centre d’art alternatif - Voiron
2020 DEDOUBLEMENT REALITE - Espace Valles centre d’art contemporain - Grenoble
2019 IN PERCEPTIVO 2 - Hôtel du musée - Arles
2018 BELGICA PARADISE - Le Hangar Art Center - Bruxelles
2018 IN PERCEPTIVO - Galerie Vrais Rêves - Lyon
2018 MINDSPACES - Kalinka Art-Gallery - Pondichery - Inde
2017 UTOPIA - Galerie Goutal - Aix en Provence
2016 IN PERCEPTIVO - Espace Valles - Centre d’art contemporain - Grenoble
2015 META LOCUS - Andata.Ritorno - Llaboratoire d’art contemporain - Genève
2015 ISOLA NOVA - Espace Richaud - Versailles
2014 - 2015 ISOLA NOVA - Wilmotte Gallery at Lichfield Studios - Londres
2013 - 2014 ISOLA NOVA - Fondation Wilmotte - Venise
2012 FICTION FACTORIES - Galerie Esther Woerdehoff - Paris

_ Selection d’expositions collectives

2020 TEMPS SUSPENDUS - Plateforme - Espace d’art contemporain - Paris
2019 DO NOT INTERRUPT YOUR ACTIVITY - Espace potentiel - Galerie de l’ERG - Bruxelles
2018 BIT20/Biennale de l’image tangible - Plateforme - Espace d’art contemporain - Paris
2014 THERE IS NO CURRENT EXHIBITION - Andata.Ritorno - Laboratoire d’art contemporain - Genève
2009 FOTO POVERA 5 - Opal Gallery - Atlanta
2009 HORIZON VERTICAL (Bunker) - Villa Rothschild - Cannes
2008 PLEDGE FOR HUMAN RIGHTS - Womblock Art Center - Taipei - Taiwan
2006 WORKING PROGRESS - Art District with Pina Bausch’s Company, pear2 - Taiwan
2006 GRANDES VACANCES (Bunkers) - Galerie Anne Barrault - Paris
2006 SUGAR FIELD FACTORY - Kio-A-Thau Residency Ciaotou - Taïwan
2004 SURVEILLANCE « Dans les pas de Lucien Hervé » - Musée André Malraux - Le Havre
2002 AD VITAM AETERNAM, photographies & videos - Galerie Schroeder Romero - New York
2002 GHOST STATIONS « Traces d’humanité » - Galerie Anne Barrault - Paris
2001 SILOS – FIAC - Galerie Anne Barrault - Paris
2000 GHOST STATIONS - Artissima - Galerie Anne Barrault - Turin

_ Collections publiques & privées

Fonds National d’Art Contemporain, FRAC - France / Fondation Wilmotte / La Cornue S.A
Olivier Waltman collection privée / Anne Barrault, collection privée / Fondation Artémide Milan











 

Drinking Water Plant /philippe calandre2021


Les tirages sont réalisés sur papier beaux Art/ Canson infinity platine RAG 310g pur coton :
 / 30x30  éditions 1/5 .  80x80 éditions1/5. 120x120 éditions1/5




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